Retour sur événement : L'importance de la formation dans la filière mécanique en AURA

Eclaira.org - Dernière modification le 25/04/2024 - 11:09
Retour sur événement : L'importance de la formation dans la filière mécanique en AURA

Le présent article fait suite à la Journée de l’Economie Circulaire pour la filière mécanique régionale qui s’est tenue le Mardi 6 Février 2024 à l’Ecole Centrale de Lyon en présence d’une centaine de participants. Cette journée, animée par Christophe Journet (rédacteur en chef de MPE MEDIA) et organisée par le Centre International de Ressources et d’Innovation pour le Développement Durable (CIRIDD) en partenariat avec les pôles de compétitivité de la Région Auvergne-Rhône-Alpes dédiés à l’ingénierie et aux solutions pour le manufacturing CIMES et aux solutions de la mobilité CARA a vu se succéder les interventions d’une vingtaine d’experts académiques, industriels, et associatifs de la filière mécanique et automobile impliqués dans l’économie circulaire. Le thème de la formation des jeunes y a notamment été abordé et fait donc l'objet de cet article.

La métallurgie et les produits métalliques constituent le secteur d’activité industrielle dont les besoins en recrutement au niveau national et régional sont et resteront sur la prochaine décennie les plus importants à cause de la vague importante de départs à la retraite attendue sur cette période et qui représentera près de 25% de l’effectif global sur certains métiers (Source Analyse des tensions de recrutement sur 3 métiers). Ces besoins de recrutement croissants se heurtent cependant à la réalité d’un effectif global en formation initiale et continue insuffisant (ne couvrant que 50% du flux de recrutements sur certains métiers), d’une lisibilité limitée de l’offre de formation due à la multiplication des certifications, ainsi qu’à un taux de féminisation très faible dans le secteur (de l’ordre de ~3%). Ces difficultés de recrutement vont s’accroître avec le temps du fait du taux de croissance annuel du secteur prévu sur la même période (1 à 2% pour les branches industrielles en lien avec la métallurgie et la mécanique jusqu’en 2030 (Source Enquête Besoins en Main-d’œuvre 2023, France Travail).

En résulte un risque important pour le secteur dans la mise en œuvre des actuels et futurs grands programmes industriels, particulièrement liés à l’énergie, au naval, à l’automobile, et à l’aéronautique.

Etat des lieux :

Au niveau national, le secteur de la métallurgie et des produits métalliques était, en 2023, le 4ème secteur d’activité (sur les 25 répertoriés par France Travail) en termes de proportion d’établissements déclarant des projets de recrutement avec 29100 projets. 74.4% de ces projets de recrutement étaient jugés difficiles au niveau national par les employeurs (comparativement à une moyenne nationale à 61% tous secteurs confondus) et ce à cause d’une insuffisance du nombre de candidature ainsi qu’à une inadéquation des profils de candidature avec les profils de poste recherchés (manque d’expérience professionnelle, de motivation, de compétences ou de formation) (Source Enquête Besoins en Main-d’œuvre 2023, France Travail).

Au niveau régional, la région Auvergne-Rhône-Alpes constituait, en 2023, la région française présentant le nombre de projets de recrutement le plus élevé avec 6340 projets de recrutement sur le secteur de la métallurgie et des produits métalliques, soit 22% des besoins nationaux. Le nombre de projets de recrutement en Auvergne-Rhône-Alpes représente le double de ceux recensés dans le Grand Est et dans le Pays de la Loire, et le triple de ceux recensés en Nouvelle Aquitaine, preuve s’il en ait besoin, du dynamisme de la région sur ce secteur. En effet, la métallurgie et les produits métalliques constitue, en région Auvergne-Rhône-Alpes, le 2ème secteur d’activité industrielle régional en termes de projets de recrutement derrière derrière l’industrie agro-alimentaire (11050 projets) mais loin devant les industries extractives,d’énergie de gestion des déchets (2930 projets), l’industrie du caoutchouc, du plastique et des minéraux non métalliques (2850 projets), l’industrie chimique, pharmaceutique & du raffinage (1980 projets), l’industrie du textile, du cuir, de l’habillement, du cuir et de la chaussure (2500 projets) et les autres industries manufacturières (4030 projets).

Figure 1. Nombre de projets de recrutement par région dans le secteur de la métallurgie et des produits métalliques (Source Enquête Besoins en Main-d’œuvre 2023, France Travail).

Les projets de recrutement régionaux sur le secteur de la métallurgie et des produits métalliques, prévus majoritairement pour compenser les départs définitifs de salariés, ont été jugés difficiles par les employeurs d’Auvergne-Rhône-Alpes en 2023 dans plus de 76% des cas. De façon précise, les difficultés rencontrées les plus importantes concernaient les métiers d’ouvriers qualifiés de la maintenance en mécanique (81.2% des 1970 projets de recrutement jugés difficiles), d’ouvriers qualifiés travaillant par enlèvement de métal (88.2% des 1520 projets de recrutement jugés difficiles), de chaudronniers, tôliers, traceurs, serruriers, métalliers, et forgerons (88.7% des 970 projets de recrutements jugés difficiles), de soudeurs (83.3%  des 900 projets de recrutement jugés difficiles), de carrossiers automobiles (87.4% des 870 projets de recrutements jugés difficiles), de monteurs, de techniciens en mécanique et travail des métaux (80.5% des 770 projets de recrutement jugés difficiles), et de dessinateurs en mécanique et travail des métaux (78.1% des 320 projets de recrutement jugés difficiles) (Source Analyse des tensions de recrutement sur 3 métiers).

Face à ces difficultés, les recruteurs ont eu recours majoritairement en 2023 aux actions suivantes :

Comme nous le voyons, ces mesures de contournement ne s’attaquent pas à l’origine du problème, i.e. au désintérêt des jeunes étudiants pour les métiers liés à l’industrie en général et à l’évaporation des jeunes diplômés du secteur une fois leur diplôme en poche. En effet, comme observé sur le tableau ci-dessous, seuls 50% des jeunes diplômés des formations liées à la mécanique finissent par trouver un emploi dans ce secteur, dont 15% à 51% d’entre eux dans l’industrie (suivant la formation initiale suivie, cf. tableau ci-dessous).

Pistes de réflexion :

Afin de résoudre ce dilemme, plusieurs pistes de réflexion méritent d’être creusées entre les partie prenantes du secteur de la formation (Etat, région, branche professionnelle, OPCO, académies) et les collectivités territoriales de la région Auvergne-Rhône-Alpes, notamment :

  1. Territorialiser les outils de formation et élaborer une stratégie de formation territoriale (par EPCI, par département, ou par territoire de projet) associée à une mutualisation des plateaux techniques pour tous les parcours (Source Le Cube). Il s’agit en premier lieu de consolider et d’ouvrir l’accès aux données statistiques des métiers pour poser un diagnostic partagé, territoire par territoire, des besoins des entreprises et des souhaits de formation. Les jeunes doivent être orientés, en évitant les choix forcés ou par défaut, vers des formations aux métiers qui leur conviennent et qui recrutent dans les bassins d’emplois présents sur leurs territoires. Il convient ensuite de réduire le périmètre domicile-formation-emploi en installant des offres de formation de proximité de manière à améliorer l’appariement entre l’offre et la demande d’une part et à prendre en considération la faible mobilité des jeunes et le fort ancrage territorial des entreprises d’autre part. Enfin, le décloisonnement de l’ensemble des établissements de formation (CFA, lycées professionnels, écoles de production, CNAM, IUT, universités, écoles d’ingénieurs, etc.) à l’échelle territoriale permettrait de mêler les publics formés et de créer des pôles d’attractivité estudiantin allant du CAP au Bac+5. Ces plateaux mutualisés ainsi que la main d’œuvre étudiante qui y est formée pourraient être mises à disposition des entreprises dans le cadre de projet étudiant-entreprise par exemple de manière à renforcer les liens formation-entreprises. La Fab’Academy en Pays-de-la-Loire ou l’Usinerie à Chalon-sur-Saône sont certainement de bons exemples à dupliquer sur d’autres territoires.
  2. Accroître la lisibilité de l’offre de formation pour l’accès à certains métiers particulièrement recherchés dans le secteur. Il est ainsi nécessaire de limiter ou de regrouper le nombre de certifications permettant d'accéder à un même métier de la filière afin d'améliorer la lisibilité de l'offre de formation le concernant. A titre d'exemple, pour accéder aux métiers de chaudronnier, de soudeur, ou de technicien de maintenance par exemple, il existe une grande variété de certifications (titres, diplômes, certificats de qualification professionnel) qui brouillent l'offre de formation.
  3. Renforcer les actions de promotion et de revalorisation des métiers de la mécanique auprès des femmes et auprès des jeunes dans un contexte d’enjeux socio-environnementaux actuels importants (changement climatique, raréfaction des ressources, etc.). Les jeunes sont en effet particulièrement sensibles à l'impact de l'industrie sur l'environnement et des campagnes promotionnelles mettant en avant les actions des acteurs territoriaux de cette filière en faveur du développement durable et de l'environnement peuvent jouer un rôle attractif. On peut citer en exemple le réseau breton de l’Union des industries et métiers de la Métallurgie (UIMM) qui a récemment lancé une campagne de communication « Fabriquons demain ! » afin de valoriser l’image du secteur, ses métiers et faire connaître les opportunités d’emploi et dans laquelle plusieurs temps forts sont prévus :  forums d’orientation, salons de l’emploi, jobs dating, etc. La féminisation de la filière est également un enjeu crucial pour le développement et le rayonnement de la filière. Un rapport de l’Organisation Internationale du Travail démontre d'ailleurs que l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes améliore la performance des entreprises, avec une augmentation des bénéfices et un renforcement de l’engagement des collaborateurs. Un moyen de permettre aux candidates de se projeter au sein de la filière mécanique consiste à les inspirer et leur donner envie de se projeter en mettant en avant des modèles féminins et leur parcours sur des pages dédiées, ou encore d’impliquer les femmes dans les entretiens d’embauche.

Ces quelques pistes de réflexion/d'actions pourraient bien évidemment être complétées, détaillées, et/ou élargies mais démontrent toutefois l'importance d'associer l'ensemble des parties prenantes du secteur de la formation (Etat, région, branche professionnelle, OPCO, académies) et notamment les collectivités territoriales de la région Auvergne-Rhône-Alpes afin d'adresser dès maintenant les grandes problématiques territoriales d'aujourd'hui et de demain.

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Auteur de la page

Sébastien Béclin

Responsable de projets