Les enjeux de l'économie circulaire pour les collectivités

Quels enjeux ?

Améliorer la résilience :

La mise en place de démarches d'économie circulaire a pour vocation à renforcer la résilience du territoire en limitant sa dépendance aux flux de ressources entrants. Le bouclage des flux de ressources territoriaux permet d'optimiser l'utilisation de la matière et de l'énergie au profit de l'économie locale.

Renforcer l'attractivité du territoire :

L'économie circulaire est génératrice d'innovation territoriale, tant par le remodelage de l'organisation et de la gouvernance locales, que par la promotion de nouvelles filières et d'activités non délocalisables.

De nombreuses zones d'activités françaises souffrent aujourd'hui d'un manque d'animation territoriale. Le décloisonnement des industries locales et la mise en place de symbioses industrielles renforcent l'attractivité du territoire et attirent de nouveaux acteurs industriels en recherche de territoires innovants et de filières d'approvisionnements à faibles coûts.

Créer des emplois locaux :

De nombreuses études économiques soulignent le potentiel de création d'emplois d'une transition vers l'économie circulaire. La mutation des secteurs économiques traditionnels vers l'économie de fonctionnalité, la création de plate-formes d'écologie industrielle et l'arrivée de nouveaux acteurs économiques pérennes sont vecteurs d'emplois locaux non-délocalisables (lien vers étude emplois).

L'imbrication entre les secteurs du réemploi et de l'économie sociale et solidaire permet en outre de favoriser la réinsertion des personnes en situation d'exclusion.

Créer du lien social :

Les technologies de l'information et de la communication ont révolutionné nos manières d'interagir et de consommer. Les nouvelles pratiques sociales d’entraide et de co-construction mises à l'honneur dans cette plate-forme (crowdfundingfab-labs, plate-formes de dons, etc.) constituent autant d'opportunités qui doivent être saisies par les élus pour fédérer les citoyens autour des problématiques socio-environnementales du territoire.

Concrétiser le développement durable :

L'économie circulaire constitue une approche concrète et opérationnelle aux enjeux du développement durable centrée sur l'efficacité de l'utilisation des ressources. La mise en place de circuits courts et la promotion des filières locales engendrent des bénéfices environnementaux importants (réduction des quantités de déchets dangereux et non-dangereux, baisse des émissions de gaz à effets de serre, etc.).

Développer une économie circulaire autour des ressources locales

Mieux exploiter les ressources locales

L'économie circulaire constitue une formidable opportunité de renforcement de l'économie locale. La résilience territoriale implique une certaine autosuffisance et une capacité à utiliser plus efficacement les ressources locales.

Chaque territoire en recèle d'importantes qui peuvent et doivent être mieux exploitées par le biais d'une stratégie d'économie circulaire. La spécialisation historique, matérialisée par l'existence d'infrastructures et d'une logistique adaptés, peut parfois freiner l'adaptation des territoires aux nouveaux enjeux de ressources. La comptabilité des stocks et des flux de matière permet d'objectiver la stratégie d'utilisation des ressources matérielles en s'appuyant sur les atouts et les faiblesses du territoire.

Le potentiel de la bioéconomie, et notamment de la sylviculture, reste par exemple considérablement sous-exploité en France. Les décideurs territoriaux doivent s'interroger sur l'opportunité de mieux exploiter les filières locales durables afin de limiter leur dépendance aux ressources fossiles.

Des boucles de valeur efficaces et territorialisées

Au niveau des territoires, l'économie circulaire se traduit par une hausse sensible du bouclage des flux de matières et d'énergie. Le réemploi, l'écologie industrielle et territoriale ou le recyclage s'appliquent à tous les secteurs de l'économie et génèrent d'importants bénéfices :

  • économiques : amélioration de la balance commerciale, amélioration de la productivité des ressources, réduction des dépenses des entreprises
  • sociaux : création d'emplois et de lien social
  • environnementaux : limitation des émissions polluantes liées au transport ou à la production de nouveaux produits

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Exemple : Les matériaux de construction en Île-de-France

Le renouvellement urbain d'un territoire comme l'Ile-de-France est très élevé. Les ressources minérales locales de la région sont quasi-épuisées et il devient nécessaire d'importer. Le parc immobilier constitue pourtant un stock de matériaux particulièrement important qu'il conviendrait de valoriser davantage (déconstruction, réutilisation, recyclage).

(Consulter l'initiative Yprema)

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Un point de vigilance doit être porté sur les boucles de ressources mises en place dans le cadre d'une opération dite d'économie circulaire. La valorisation permettant de préserver au maximum lavaleur des produits doit être privilégiée. La directive déchet de 2008 propose une hiérarchie des modes de traitement en adéquation avec les principes de l'économie circulaire : prévention, réutilisation, recyclage, valorisation (énergétique, par exemple) et élimination. D'autres outils d'évaluation, tels que l'analyse de cycle de vie, permettent d'objectiver la mise en place de nouvelles boucles de valeur.

Des outils collaboratifs au service de l'économie circulaire

Un modèle économique circulaire ne pourra s'implanter durablement que si les citoyens se saisissent du sujet (tri à la source, allongement de la durée de vie des produits, consommation responsable, etc.). Le développement des lieux et des outils de partage facilite l'appropriation de la thématique économie circulaire par l'ensemble des citoyens. Les projets collaboratifs locaux permettent d'impliquer directement le citoyen dans la transition et doivent être encouragés (fablabs, projets de quartiers, etc.)

Développer une stratégie d'économie circulaire

La transition vers l'économie circulaire transcende les secteurs économiques et les échelles géographiques. Bien que la proximité soit l'un des principes fondateurs de l'économie circulaire, l'échelle d'action la plus locale n'est pas toujours la plus pertinente du fait de contraintes logistiques ou économiques. La massification de certains flux de déchets complexes constitue par exemple un pré-requis à leur valorisation.

La Région est l'entité administrative française la mieux adaptée pour coordonner la transition vers l'économie circulaire. Disposant d'une vision élargie sur les enjeux de ressources du territoire, elle conserve une relation privilégiée avec les collectivités infra-régionales lui permettant de faciliter et d'harmoniser les projets locaux. La loi NOTRe lui confère d'ailleurs davantage de compétences sur les plans du développement économique, du développement durable, et de la gestion des déchets. Une stratégie d'économie circulaire se doit d'être transversale et d'intégrer les approches économiques et environnementales.

Régionale

Un guide méthodologique complet sur les stratégies régionales d'économie circulaire a été publié par l'ADEME en octobre 2014. Disponible dans le fonds documentaire de la plate-forme, il dresse des pistes d'action concrètes qui sont brièvement résumées dans cette section (Consulter le guide).

Une stratégie régionale d'économie circulaire s'articule autour de quelques grandes étapes : un diagnostic territorial, une feuille de route régionale, des politiques publiques d'incitation et d'accompagnement, une évaluation.

Le diagnostic territorial

Le diagnostic permet d'identifier les enjeux majeurs de l'économie circulaire à l'échelle régionale. Il couple une approche statistique de comptabilité des flux de matière à un état des lieux de la thématique économie circulaire à l'échelle régionale. (Consulter le guide méthodologique Comptabilité des flux de matière dans les régions et les départements.)

Les acteurs concernés par l'économie circulaire doivent être parties prenantes de cette opération. Les bonnes pratiques du territoire sont valorisées et les facteurs bloquants relevés. Les dispositifs d'accompagnement existants (financement, ingénierie, etc.) sont croisés avec les besoins des acteurs pour identifier les manques.

Un diagnostic collaboratif est préférable puisqu'il implique les communautés d'acteurs dès l'élaboration de la stratégie. La diversité des participants engagés permet de sortir de la logique de silos économiques qui prévaut habituellement (industries, agriculture, services, ESS, etc.). La constitution d'un comité de pilotage est encouragée.

Le diagnostic peut prendre la forme d'une plate-forme régionale identifiant des opportunités en croisant les informations sur le métabolisme territorial et l'organisation socio-économique du territoire.

 

 

 

Illustration 1: Source : ADEME, 2014. Guide méthodologique du développement des stratégies régionales d'économie circulaire en France, p. 86

 

La feuille de route

Elle définit les objectifs stratégiques à l'aune desquels sa réussite sera évaluée. A chaque objectif doivent être associés un ou plusieurs indicateurs mesurables. Ces indicateurs peuvent être transversaux, ou couvrir plus spécifiquement un ou des piliers de l'économie circulaire.

Les objectifs doivent si possible être intégrés aux schémas et plans existants (PRPGD, PCET, SRADDET, SRDEII) pour assurer une cohérence globale et limiter la multiplication des documents de planification territoriale.

L'ADEME conseille d'adopter une vision chaîne de valeur pour mieux appréhender les enjeux par filière et prioriser des actions en fonction des opportunités identifiées (accès aux matières premières, stratégie d'innovation, mise à disposition de foncier, détection d'exutoires, etc.).

Les stratégies de soutien et d'accompagnement déployées seront listées dans la feuille de route, avec une temporalité prévisionnelle pour chaque action envisagée. Parmi elles, on pourra trouver des incitations aux business models innovants, un soutien méthodologique et financier aux porteurs de projets, un encouragement à la recherche et à l'innovation, ou encore le développement des structures de réemploi ou des circuits courts.

Inciter et financer

La région joue un rôle d'incitation et de co-développement dans la transition. Les projets d'expérimentation sont souvent indispensables pour démontrer le potentiel de développement de nouvelles filières. La région doit notamment faciliter l'interaction entre la recherche et le monde économique (démonstrateurs, incubateurs, etc.).

Concernant le financement parfois compliqué des projets innovants, de nombreuses aides publiques sont mobilisables par les porteurs de projets avec l'appui régional :

  • Fonds européens : FEDER, LIFE+, H2020, FEADER, etc.
  • Fonds nationaux : AMI, Investissements d'avenir, BPI, etc.
  • Multi-échelles : CPER, conventions régionales Etat-Régions-ADEME.

Ces soutiens doivent gagner en visibilité et faire l'objet de fiches méthodologiques dédiées. La Région peut aussi entrer directement au capital d'entreprises de types SCIC et SEM ou tenter de mobiliser davantage les acteurs financiers privés sur la thématique de l'économie circulaire. Elle peut enfin promouvoir les nouvelles voies de financement collaboratif (le crowdfunding) pour impliquer directement les citoyens dans des projets qui bénéficient directement au territoire.

Au-delà du financement de projets, la Région peut être directement partie prenante et amorcer certains projets locaux en participant à leur élaboration (ingénierie de projets). Elle peut également apporter une assistance plus spécifique aux porteurs de projets selon leurs besoins (aide administratives, mobilisation de foncier, etc.). La mise en place de conventions multi-acteurs, à l'image desgreens deals néerlandais, peut permettre d'inciter les acteurs au changement en levant certaines barrières institutionnelles.

Le tableau ci-dessous répertorie la plupart des soutiens mobilisables par les porteurs de projets territoriaux :

 

Illustration 2: Source : ADEME, 2014. Guide méthodologique du développement des stratégies régionales d'économie circulaire en France, p. 67

La rentabilité à moyen terme des projets doit être considérée avant de mobiliser une aide publique. Les collectivités, et les pouvoirs publics plus généralement, n'ont pas vocation à financer sur le long terme des projets non viables. Les initiatives reproductibles doivent être privilégiées afin de réaliser des économies d'échelle.

Pérenniser l'économie circulaire :

La sensibilisation des acteurs régionaux est indispensable à la pérennisation de l'économie circulaire. Ce nouveau modèle économique se déploie sur l'ensemble de la chaîne de la valeur. L'ensemble des parties prenantes doit donc être impliqué dans le changement de modèle. De manière générale, il est important de mettre l'accent sur les bénéfices économiques de l'économie circulaire.

La commande publique, qui compte pour près de 15 % du PIB en France, constitue un levier majeur vers l'économie circulaire. L'introduction de clauses d'économie circulaire dans les achats publics est susceptible de provoquer le basculement de marchés importants.

Enfin et surtout, la région doit assurer une cohérence entre les différents projets menés à l'échelon local.

Évaluer

Les indicateurs choisis lors de la phase de diagnostic doivent permettre d'assurer un suivi qualitatif et quantitatif de la stratégie régionale. L'harmonisation d'indicateurs quantifiables aux échelles nationale et européenne est souhaitable puisqu'elle permettrait d'obtenir des éléments de comparaison entre les territoires.

Locale

Coordinatrice stratégique en matière d'économie circulaire, la Région intervient à une échelle trop large pour animer la coopération territoriale au plus près des acteurs économiques. Elle doit donc s'appuyer donc sur des relais capables d'accompagner les acteurs locaux vers l'économie circulaire. De nombreux acteurs locaux n'attendent d'ailleurs pas les signaux régionaux et nationaux pour se lancer dans l'économie circulaire. Ces dernières années, le domaine a largement bénéficié d'une dynamique entrepreneuriale « bottom-up » dans laquelle les citoyens et les entreprises ont souvent eu un temps d'avance sur les décisionnaires politiques.

Animer les territoires

La coopération territoriale implique de nombreux acteurs du territoire : entreprises, acteurs de l'économie sociale et solidaire, administrations publiques et citoyens sont tous amenés à collaborer pour optimiser l'utilisation des ressources. La prévalence de la logique de « silos » dans l'économie linéaire limite la coopération et les actions collectives indispensables au déploiement de l'économie circulaire. La mise en place d'une animation territoriale centrée sur le partage et la collaboration constitue un levier important de développement de l'économie circulaire. L'acteur d'intermédiation, détenteur d'une bonne connaissance du tissu socio-économique local, facilite la coopération et accompagne les porteurs de projets innovants (Consulter l'initiative NOUVEL'R).

L'exemple des parcs éco-industriels est déjà bien développé en Europe. Les zones d'activités rassemblent sur un espace limité des acteurs qui consomment et génèrent d'importants flux de ressources. Lorsque les industriels coopèrent, de nombreuses pistes de synergies (symbioses industrielles) peuvent être identifiées. Pourtant, la majorité des zones d'activités reste délaissée par l'animation territoriale et les relations inter-entreprises demeurent insuffisantes (Consultez les initiatives  Chemparc, NCIS).

Dans les villes, le développement des plate-formes de partage et d'innovation doit être encouragé. Elles permettent aux citoyens de mutualiser leurs ressources matérielles et immatérielles (Consulter les initiatives mutum et recyclerie créative). Les incubateurs d'idées constituent de véritables catalyseurs d'initiatives citoyennes et doivent être multipliés. Ils permettent d'impliquer directement les citoyens dans la transition vers l'économie circulaire.


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